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Je suis née en 1964 à Langres (52) .
J'avais 5 ans lorsque ma mère m'a inscrite à l'atelier de peinture en face de chez nous à Bonnières sur Seine: bonne idée car depuis la passion du dessin ne me quittera plus. Portraits de famille au crayon, fusain puis sanguine, aujourd'hui à l'huile...Loin d'en faire mon métier, je suis sortie de l'Ecole Polytechnique Féminine à 21 ans , diplôme d'ingénieur en poche. 5 ans dans l'industrie m'ont fait comprendre que je n'étais pas faite pour ça!...
Confrontée pendant sept longues années à la stérilité, je trouvais là un exutoire à ma colère et à ma souffrance en peignant quotidiennement: je devais créer d'une manière ou d'une autre. Je dessinais et peignais des femmes "idéales", belles, non déformées par la grossesse pour oublier qu'une femme pouvait être accomplie sans avoir procréé. Je détournais mon regard des femmes enceintes et des bébés et m'isolais évidemment un peu plus davantage. Je me réfugiais dans ma création et j'oubliais, c'était ma thérapie. Les tableaux devaient m'apporter l'apaisement que je recherchais. Ces femmes sont seules, sereines mais cachent pourtant ce qui les tourmente, leurs corps sont tordus et regroupés.
A la naissance de mon premier enfant, les sentiments de féminité de maternité et de paix longtemps refoulés rejaillissent à travers mes oeuvres. Aujourd'hui, mère de trois garçons, je réalise de nombreux portraits d'enfants. La femme reste mon sujet de prédilection. Mon travail consiste à peindre toutes les femmes sans s'attacher à un idéal féminin et à souligner ses lignes essentielles. Je traduis par mes couleurs chaudes et mon tracé la joie d'être réconciliée avec cette femme devenue enfin mère. Elle est à plusieurs facettes, parfois floue, parfois nette. La femme n'est plus un mannequin de magazine car elle a vécu, elle est belle, son attitude est belle, elle ne montre que ce qu'elle veut bien montrer.
Quand je peins je suis parfois tourmentée et soucieuse. Alors les corps sont tordus et compliqués. Mais cela s'arrange, finalement -j'adoucis , je mets du flou. Puis je prends du recul face aux difficultés et je redessine plus précisément certains endroits agréables à l'oeil afin de ne garder que l'essentiel.C'est ça la vie...

Pour un sujet donné,mon style se modifie souvent.. J'essaie de comprendre pourquoi :

avec le nu: peinture académique sur support lisse et dur car je retrouve le dessin, la faculté qu'a mon pinceau à trouver des courbes longues et déliées pour souligner les formes qui m'inspirent. Le grain de la toile me gêne. Je recherche les chemins de lumières et de couleurs par de grands coups à large brosse. Cela devient donc flou par endroits et c'est là que je reviens par des lignes à restituer le dessin de certaines courbes. Je pose des accents de couleurs pour contraster certains creux ou changement de direction.

avec le portrait : il demande beaucoup de concentration, une forme Olympique et un calme absolu que l'on n'a pas tous les jours avec les trois enfants! je considère comme un exercice classique, je n'ai pas le droit à l'erreur et dois être pourtant capable de traduire l'expression du personnage par seulement quelques touches bien placées. Ca passe ou sa casse, on s'approche ou on s'en éloigne à tout jamais: difficile de revenir en arrière. Le portrait doit être fait en 2 séances pas plus sinon cela veut dire que je n'ai pas réussi à capter l'essentiel au premier regard, et c'est fichu. Là encore, je préfère peindre sur un support très lisse, le pinceau à langue de chat s'articule mieux.

avec les natures mortes: c'est le sujet idéal pour aborder les couleurs et la matière! j'utilise la toile déjà texturée par du gesso ou médium d'empâtement. J'exploite les reliefs pour y mettre de la transparence , faire vibrer mes couleurs par superposition de complémentaires , j'y laisse des cicatrices de couleurs par endroits, parfois j'utilise le couteau qui me permet d'apporter plus de matières.

avec les personnages, les scènes, les animaux en mouvements, les marines: les tissus, les couleurs, les mouvements,... après un dessin au fusain en général sur support lisse et rigide je vais saisir les mouvements avec la plus grosse brosse. je rends flou les parties en arrière plan, je recherche encore les lumières , les ombres puis les chemins colorés et je redessine au pastel gras dans le frais.
Par contraintes (vivement l'école...et la sieste du petit dernier), j'ai appris à travailler très vite, J'utilise l'acrylique comme couleur de base car cela sèche vite et m'évite de travailler sur la blancheur de la toile. Mon oeil s'aiguise et devient de plus en plus critique. Tant mieux, je progresse.

publication dans la revue "dessins peintures", hors série thématique n°13, février 2008:

Isabelle Nugues
La force du regard

L'émotion est au cœur de la création d'Isabelle Nugues. Qu'elle peigne des corps de femmes, des visages d'enfants ou des portraits d'homme venus d'horizons lointains, elle choisit sa technique en fonction de ce qu'elle cherche à exprimer : douceur, douleur, rudesse... la palette est vaste. Larges coups de brosses, griffures, couleurs intenses, ses visages ont la force et le mystère d'un ailleurs que chacun reste libre d'imaginer.

Il y a parfois, dans le parcours individuel d'un artiste, un élément déclencheur qui le pousse à changer de voie pour s'adonner à sa passion. Pour Isabelle Nugues, le cheminement est particulièrement singulier ; en 2000, alors qu'elle travaille dans l'industrie, elle rencontre un fabricant de toiles et reprend son activité. C'est l'occasion de rencontrer des artistes, d'échanger, peut-être de retrouver certaines émotions, pour elle qui a toujours aimé peindre. Depuis, Isabelle Nugues peint.
La femme est son sujet de prédilection ; femme à plusieurs facettes, tantôt floue, tantôt nette, belle quelles que soient ses souffrances, belle dans son vécu. Elle peint également des portraits d'enfants, teint clair et peau de porcelaine. Son style varie en fonction du sujet. Ses visages d'hommes sont eux plus rudes et typés, empreints de fierté et de mystère. Là, elle cherche à travailler l'expression : les rides, les cicatrices de la vie, par des grandes griffures sur la toile. Le choix des sujets lui prend beaucoup de temps ; Isabelle Nugues peint à partir de photos, rapportés par des amis au retour de leurs voyages ou glanées dans des magazines. Le choix de la photo est important : « Il faut que le visage soit très expressif et que la lumière soit bonne pour bien discerner les ombres. Une fois que j'ai trouvé, je peins très vite. Je me sens plus à l'aise en travaillant à partir de photos ; si j'avais la personne en face de moi, son regard me gênerait. » A noter que sur ses nus de femmes, on ne voit jamais le visage. Tandis que le regard intense de ces hommes interpelle, en témoignent les discussions qu'elle a avec les visiteurs lors d'expositions. « Je peins sans réfléchir ; ce sont les autres qui me font découvrir des choses sur mon travail, par exemple que mes nus n'ont pas de tête ! »
Alors pourquoi peindre des visages d'hommes ? « Peut-être parce que je suis une femme ? Je ne recherche pas la douceur, mais la force, la fierté, un côté un peu mystérieux. J'interprète beaucoup, je ne cherche pas la ressemblance. C'est selon mon humeur ; parfois, quand le modèle a des yeux charmeurs, je peux préférer peindre la rudesse. Ce que je recherche c'est la vie. »
L'humain est au cœur de sa création. Avec la nécessaire émotion qui va avec. « Pour moi, le tableau est fini quand je ressens quelque chose, qui me prend au ventre. »

Un long travail de préparation
Contrairement aux nus et aux portraits d'enfants, pour lesquels elle préfère des supports lisse, en adéquation avec la douceur du modèle, Isabelle Nugues peint ses portraits d'hommes sur toile. Une toile longuement préparée.
Elle commence par y appliquer des collages ; coupures de journaux, de préférence du pays d'origine. Puis elle l'enduit de gesso. Elle marque sa toile de griffures et d'empreintes, laissant d'autres endroits plus lisses. Puis elle passe une couche de couleur acrylique, du jaune, du rouge ou du vert pomme, afin de ne plus laisser paraître le blanc de la toile ou le gris des journaux. Le fond est désormais prêt. L'ébauche est faite au fusain ; elle marque les ombres, mais aussi les yeux, le nez. Puis, elle fixe. Vient alors une première mise en couleur, glacis de bleu ou de vert, avec une large brosse. « Je dépose des aplats et les ombres, pour avoir le modelé du visage. » Ensuite seulement, elle passe aux couleurs opaques.
Isabelle Nugues utilise une palette réduite, d'à peine dix couleurs : rouge indien, jaune citron et jaune de Naples, noir d'ivoire, blanc de titane, bleu de cobalt, violet, plus la couleur du fond. C'est sa base. Elle se sert de brosses plates, de 5et 2 cm et de 5 mm pour les détails ; un pinceau usé bombé, et un pinceau éventail pour fondre les couleurs ou tracer les mèches de cheveux.
« Je mélange mes couleurs sur la palette, et je prépare trois tons de peau : clair, moyen et foncé. »

Une peinture « rapide »
Isabelle Nugues utilise des peintures à l'huile peu connues en France, mais qui existent depuis déjà plusieurs décennies : les peintures à l'alkyde (voir encadré) Griffin de Windsor & Newton. « Elle sèche plus vite que la peinture à l'huile traditionnelle, en deux heures environ ; mais ce n'est pas de l'acrylique, c'est bien de la peinture à l'huile, qui se travaille comme telle. A la différence qu'on n'emploie pas de médium gras comme l'huile de lin. Elle permet de travailler rapidement. En une seule séance, on peut appliquer des couleurs complémentaires, comme du rouge sur du vert, sans obtenir un gris ! L'inconvénient, c'est qu'on ne dispose que d'une cinquantaine de couleurs. » Mais sa pratique prouve que l'on peut travailler avec un nombre restreint de teintes. Comme médium, Isabelle Nugues utilise du Liquin, un gel qui permet de fluidifier la peinture et ne jaunit pas. Depuis quelque temps, elle prépare également un médium composé à 50 % de térébenthine et à 50 % de vernis Dammar, qui lui permet de conserver une grande brillance à ses toiles. « Ce vernis accélère également le séchage, mais il est à préparer en petites quantités, car il colle vite ! »
La rapidité est un avantage pour Isabelle Nugues, qui se partage entre la peinture et sa famille. Ce peut l'être également pour les débutants : « Ils peuvent très vite avoir une œuvre sèche et de bonne qualité. » Avis aux lecteurs de Dessins & Peinture...

L'alkyde : une peinture à l'huile sèche en deux heures !
Les couleurs à l'huile alkydes à séchage rapide sont élaborées à partir de pigments et de résine alkyde modifiée à l'huile. Elles peuvent être diluées à l'aide des solvants habituels pour couleur à l'huile.
L'artiste bénéficie ainsi de tous les avantages liés à l'utilisation d'une couleur à l'huile traditionnelle, avec un côté pratique très appréciable : disposer d'une toile sèche au toucher dès le lendemain !